Angela B. animait deux blogs. L’un était hébergé par Microsoft, sur blogspot, l’autre par Google Inc., sur blogger. Angela B. (à moins que ce ne soit Angelo en vérité) avait peut-être trouvé un moyen peu conventionnel de se faire adresser des photos de jeunes femmes légèrement vêtues. Affirmant en effet organiser des séances de photographies destinées à illustrer les catalogues lingerie et maillots de bain de la société Benetton, elle avait sollicité auprès de jeunes femmes qu’elles lui adressent des photographies dans les tenues correspondantes. Elle faisait en outre figurer des photographies issues de catalogues Benetton, sans aucune autorisation.
Alertées, deux sociétés du groupe Bennetton ont contacté les sociétes Microsoft et Google afin que l’accès audit blog soit empêché, ce qui fut fait immédiatement par Microsoft mais fut plus difficile à obtenir de Google, comme en témoigne la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 12 décembre 2007.
Nous passerons sur les difficultés que semblent avoir eu les sociétés du groupe Benneton à contacter le bon interlocuteur, de Google Inc., société américaine, ou de Google France.
Cette décision fournit l’occasion d’un rappel sur la responsabilité de l’hébergeur, et sur l’appréciation du caractère manifeste de l’illicéité des contenus en cause.
La Cour souligne en effet que la loi du 21 juin 2004, loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN),
retient le principe de l’immunité civile et pénale de ces intermédiaires, subordonnée à deux conditions : qu’ils n’aient pas eu connaissance de contenus illicites ou qu’ils n’aient pas agi promptement, dès l’instant où il en ont été informés.
En l’occurrence, si la première mise en demeure, adressée à Google France, ne l’avait pas été à l’hébergeur compétent, après une nouvelle correspondance, Google Inc. a continué à considérer que l’illicéité des contenus ne lui apparaissait pas manifeste, et a refusé de couper leur accès.
Or, lorsqu’elles en sont venues à assigner la société Google Inc., le 3 mai 2007, les sociétés du groupe Benetton ont communiqué des pièces dont Google n’a pas contesté qu’elles établissaient le caractère illicite du contenu dénoncé.
Elle a toutefois fait valoir qu’elle s’en remettait à l’appréciation des juges ce qui, en soi, peut ne pas sembler aberrant lorsqu’une procédure est engagée et que, s’agissant d’un référé, la date d’audience est proche : la décision de première instance est en effet du 29 mai 2007, ce qui suppose – par hypothèse – que l’audience se soit tenue entretemps…
La Cour est formelle :
“Que l’hébergeur, s’il n’est pas responsable du contenu des données qu’il héberge, doit, lorsqu’il se voit dénoncer des données dont le contenu est déclaré illicite, non s’en remettre à l’appréciation des juges, mais apprécier si un tel contenu a un caractère manifestement illicite et, dans cette hypothèse, supprimer ou rendre inaccessible de telles données ;”
La décision ne saurait donc être différée le temps de la procédure.
La Cour a donc jugé que Google Inc. avait engagé sa responsabilité à compter du jour de la communication des pièces, soit le 3 mai 2007, jusqu’à la mise hors ligne du blog, le 6 ou 8 juin 2007.
Un autre point est intéressant dans cette décision : si le blogueur, éditeur non professionnel, peut pour préserver son anonymat, ne communiquer que le nom de son hébergeur au public, l’hébergeur, lui, doit recueillir son identité exacte, afin de pouvoir la communiquer dans le cadre d’une éventuelle procédure. Ce n’est pas ce qu’a fait Google, qui n’a communiqué qu’une adresse IP, qui “si elle constitue une donnée personnelle, ne permet d’identifier qu’un ordinateur“.
Google Inc. a été condamnée à verser à chacune des sociétés concernées (soit deux sociétés) 15 000 € à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice, la Cour infirmant sur ce point la décision du juge de première instance, qui n’avait accordé que 8 000 €.
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